Libération. fr (juin 2012) : Témoignage de Anne-Catherine, responsable de l’antenne de Rennes de l’ADEDD

«Je me moquais des défauts de mon père, plaisantant : « Heureusement que je ne tiens pas de toi ! »».

Anne-Catherine, 32 ans, est institutrice. Elle est née d’une insémination avec don de sperme, comme son frère. Anne-Catherine a deux enfants et habite Rennes.

«J’ai toujours su que mes parents avaient eu recours à un don de sperme pour nous concevoir, mon frère et moi. Ma mère avait un livre qui expliquait comment on faisait les bébés, et elle nous disait que c’était un peu différent dans notre cas. Mon frère a été conçu quand j’avais quatre ans et mes parents m’ont expliqué toutes les étapes.

Devenus adolescents, avec mon frère, on se demandait à quoi le donneur ressemblait – nous avons le même – on fantasmait, on imaginait en rigolant qu’il était célèbre. On en plaisantait beaucoup. Si l’un d’entre nous disait une bêtise, on lui lançait «c’est normal, tu as été congelé» et quand on voulait se moquer des défauts de notre père, je lui disais «heureusement que je ne tiens pas de toi !». Mes parents n’en ont pas beaucoup parlé autour d’eux car ils voulaient nous laisser le choix. Alors quand quelqu’un disait que l’un ou l’autre ressemblait à notre père, on rigolait. Tout était fluide, on n’y pensait finalement pas tant que ça.

J’ai évolué comme ça, avec un père, une mère, des repères fixes. De toutes façons, personne n’est sûr de ses origines, à part d’être l’enfant de sa mère. La levée de l’anonymat, ça serait une catastrophe. Pour mon père, ça a été très dur d’assumer sa stérilité, alors je n’imagine pas comment il aurait pu vivre dans l’ombre d’un donneur. C’est quelque chose que j’ai d’autant plus réalisé en devenant mère à mon tour. J’en ai parlé à ma fille, même si ça ne la concerne pas directement. Pour elle, c’est son grand-père, point. Ce que mes parents ont réussi, c’est de nous élever en symbiose et de ne rien nous cacher. Les enfants nés d’un don et qui le vivent mal, c’est souvent parce qu’il y avait un secret. Je crois qu’ils souffrent plus du mensonge, de la trahison, que de l’anonymat.

Moi même, j’envisage de donner des ovocytes. Je le ferai par solidarité, mais pas si l’anonymat est levé. J’ai ma vie, mes deux enfants, il est hors de question qu’on vienne taper à ma porte en me disant «vous êtes une partie de moi». Au secours ! Je ne fais aucun lien entre un bébé qui serait né du don de mes ovocytes, et moi. Bien sûr, je préfèrerais que ses parents lui disent la vérité, mais je sais bien que je ne peux rien décider, et ça me va.»

Posté le : 16 juin 2012

Laisser un commentaire