Question n°2 : Quel devenir pour les embryons « surnuméraires » ?

L’ADEDD a souhaité traiter cette question après les appels de certains parents ayant eu recours à une fécondation in vitro (FIV) avec production d’embryons « surnuméraires »* et ne souhaitant plus avoir d’autres enfants. Leur principale inquiétude était le bien-être des enfants qui seraient issus d’un éventuel don de leurs embryons. On dispose actuellement d’encore peu de recul concernant le vécu des enfants conçus grâce à cette démarche.

L’ADEDD n’a pas pour vocation de juger le bien (ou le mal) fondé de cette pratique à l’origine de nombreux débats mais d’essayer d’amener chaque couple à faire un choix éclairé concernant le devenir des  embryons dont il est à l’origine et par ailleurs d’être attentif au devenir des enfants issus d’un don de gamètes ou un accueil d’embryon.

* On va parler d’embryons « surnuméraires » lorsqu’ils ne sont plus dans un projet parental.

Que sont les embryons surnuméraires ?

On va parler d’embryons surnuméraires lorsque le nombre d’embryons produits par FIV et transférables (pouvant être mis dans l’utérus) est supérieur au nombre d’embryons transférés . En effet certains embryons conçus par cette technique (environ 40%) ne sont pas transférables car ils ne sont pas jugés aptes à pouvoir se développer normalement. Les autres  (ou « personne humaine potentielle » selon le Comité consultatif national d’éthique) ne peuvent cependant être tous transférés dans la cavité utérine de la future maman s’ils sont trop nombreux.

Actuellement le risque principal de la FIV est celui des grossesses multiples (environ 20% en France en 2008) qui peuvent être à l’origine de complications obstétricales chez la femme et de graves ennuis de santé chez l’enfant quand il y a un accouchement prématuré. Pour éviter ces inconvénients, dans de plus en plus de pays, la règle est de ne transférer qu’un embryon chez la femme, surtout quand les conditions sont favorables. Le nombre d’embryons transférés peut être modulé en fonction de certains facteurs comme l’âge de la patiente ou la qualité embryonnaire. Ainsi, dans la pratique, le nombre moyen d’embryons transférés en France est légèrement inférieur à 2. Le pays est en retard dans ce domaine car le taux de grossesses multiples reste très élevé y compris chez les femmes de plus de 38 ans.

Que peut faire un couple de ses embryons surnuméraires ?

La réponse à cette question va se faire en deux temps.

Dans un premier temps, l’objectif est d’aider le couple à avoir les enfants qu’il souhaite. Pour ce faire, les membres du couple  donnent leur accord ou non à la cryoconservation (congélation) embryonnaire. La loi leur donnant le droit de la refuser. Cette congélation est toujours entreprise avant tout pour augmenter les chances pour le couple de procréer. Ce n’est que s’il n’y a plus de projet de procréation que les autres possibilités sont évoquées et que les décisions sont prises. Bien entendu toutes ces possibilités sont évoquées au début de la démarche. Les deux membres du  couple sont consultés chaque année afin de savoir s’ils souhaitent poursuivre la conservation des embryons pour eux-mêmes et sinon pour qu’ils disent quels sont leurs souhaits sur le devenir des embryons.

Dans un deuxième temps, un choix est à faire concernant le devenir des embryons si le couple ne souhaite plus avoir d’enfant. Trois possibilités lui sont alors offertes :

  • Le don des embryons surnuméraires afin d’être transférés chez une autre femme dans le cadre de l’accueil d’embryon par un couple ayant des difficultés pour concevoir. Le couple donneur renonce alors expressément à tout projet parental ultérieur comme cela est énoncé par l’article L. 2141-4 du Code de la santé publique : « S’ils n’ont plus de projet parental ou en cas de décès de l’un d’entre eux, les deux membres d’un couple, ou le membre survivant, peuvent consentir à ce que leurs embryons soient accueillis par un autre couple […] le consentement ou la demande est exprimé par écrit et fait l’objet d’une confirmation par écrit après un délai de réflexion de trois mois« .
  • Le don des embryons surnuméraires à la recherche. Cela a été rendu possible par la loi de bioéthique de 2004 prévoyant un moratoire autorisant à titre dérogatoire la recherche sur l’embryon (normalement interdite) pour une durée de 5 ans et qui devrait expirer le 5 février 2011.

Le consentement du couple est exprimé dans les mêmes conditions que celles posées à l’article précédemment cité du Code de la santé publique. Enfin, la loi mentionne au dernier alinéa de l’article L. 2151-5 du même Code que : « Les embryons sur lesquels une recherche a été conduite ne peuvent être transférés à des fins de gestation« . Aucun enfant ne peut donc être conçu à partir d’embryon ayant fait l’objet de recherches.

  • L’arrêt de la congélation et donc la destruction des embryons surnuméraires. Cette dernière peut résulter d’une volonté exprimée par le couple, d’une abstention au contraire ou d’un désaccord prévus à l’article L. 2141-4 du Code de la santé publique :  » Dans le cas où l’un des deux membres du couple consultés à plusieurs reprises ne répond pas sur le point de savoir s’il maintient ou non son projet parental, il est mis fin à la conservation des embryons si la durée de celle-ci est au moins égale à cinq ans. Il en est de même en cas de désaccord des membres du couple sur le maintien du projet parental ou sur le devenir des embryons« .

Comment le couple peut-il faire son choix lorsqu’il n’a plus de projet parental ?

Pour le don d’embryon (dénommé par la loi « cession d’embryon ») comme pour d’autres techniques d’AMP avec recours à un tiers donneur (sperme ou ovocytes), le souci du bien être de l’enfant à naître est de plus en plus présent tant chez les couples « donneurs » que « receveurs ». Cette prise de conscience vient notamment du fait qu’un nombre croissant d’enfants issus des techniques d’AMP se manifestent pour témoigner aujourd’hui de leur vécu.

Il est important de rappeler que le spectre du ressenti des enfants conçus par don de gamètes est très large comme nous l’avons déjà dit dans notre question précédente sur l’annonce du mode de conception. Certains enfants vivent très bien et ne se posent aucune ou très peu de questions alors que d’autres s’en posent davantage et peuvent même ressentir un certain mal-être. Le donneur n’est pas « responsable » du ressenti futur des enfants conçus grâce à un don car d’autres éléments primordiaux peuvent intervenir. Il y a bien sûr le contexte familial, l’âge de l’annonce du mode de conception mais aussi et surtout la manière dont les parents vivent eux-mêmes en premier lieu leur incapacité à concevoir naturellement  et en second lieu cette situation de recours à  une procréation avec l’aide d’un don et informent l’enfant de son histoire.

Il n’y a pas de « bon » ou de « mauvais » choix concernant le consentement à un don ou à une destruction d’embryons du moment que cette démarche a été suffisamment mûrie par le couple donneur.

  • La perspective d’un don d’embryon au profit d’un autre couple désirant un enfant peut résulter d’un geste altruiste (aidant) leur permettant également de partager l’expérience de la maternité et de la paternité.
  • La perspective d’un don à la recherche peut témoigner d’une volonté de faire progresser la science notamment dans le domaine des cellules souches embryonnaires. Ces dernières peuvent en effet permettre de traiter certaines pathologies chez l’enfant comme chez l’adulte. La visée de cette recherche est principalement thérapeutique mais elle peut également permettre de mieux comprendre le fonctionnement de certaines pathologies, comme par exemple le cancer.
  • La perspective d’une destruction peut être perçue comme une volonté consciente ou inconsciente de mettre un point final à une période parfois longue, sinueuse et souvent difficile pour le couple s’étant lancé dans un parcours d’AMP.

N’hésiter pas à en parler avec l’équipe médicale et notamment avec le psychologue.

Références utiles :

  • P. JOUANNET, C. PALEY-VINCENT, L’embryon, le fœtus, l’enfant, Editions ESKA, 2009
  • F. OLIVENNES, A. HAZOUT, R. FRYDMAN, Assistance médicale à la procréation, Masson, 2006

Posté le : 20 nov 2010

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